Le cheval n’est pas un animal de Compagnie
Comme en 2013 et en 2018, Monsieur le Député Nicolas Dupont Aignan a déposé au cours de l’été une proposition de Loi visant à « modifier le statut juridique du cheval, à en interdire l’abattage, le commerce et la consommation de viande sur l’ensemble
du territoire français ». Pavée de bonnes intentions, cette proposition qui vise attribuer le statut d’animal de compagnie à l’espèce équine et à laquelle le GHN s’oppose fermement conduirait à la disparition progressive de la filière et plus globalement des équidés sur le sol national.
Afin de comprendre les enjeux de cette proposition de loi, il parait utile de repréciser ce que l’on entend par animal de compagnie. Selon l’article L.214-6 -1 du Code Rural « On entend par animal de compagnie tout animal détenu ou destiné à être détenu par l'homme pour son agrément ». Une commission sénatoriale précise que l’animal familier : « doit être considéré comme un être faisant partie du groupe humain au sein duquel il vit qui accepte et développe une relation avec l’homme. Il fait partie intégrante de l’environnement de ce dernier. L’animal a des aptitudes aux relations familières, comme celles qu’entretiennent les membres d’une même famille, les uns avec les autres »
En complément, la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie indique dans son article premier : « On entend par animal de compagnie tout animal détenu ou destiné à être détenu par l'homme, notamment dans son foyer, pour son agrément et en tant que compagnon. »
En 2016 la France comptait selon l’IFCE environ 1 060 000 équidés sur l’ensemble du territoire qui pour 70 % d’entre eux étaient détenus au sein de structures professionnelles :
- Centres Equestres (32 %),
- Elevages (30 %),
- Entraineurs de Trot et de Galops (4 %),
- Cavaliers (4 %).
Ainsi, outre le fait qu’il parait inimaginable qu’un équidé puisse être détenu au sein d’un foyer sans risquer de contrevenir gravement à son bien-être, ces chiffres témoignent également combien le cheval à la différence du chat ou du chien est majoritairement détenu à des fins professionnelles dans un objectif économique avéré.
Cette particularité à bien été identifiée fiscalement puisque le BOI-BA-BASE-20-10-20-07/09/201 prévoit en vertu du II de l’article 38 sexdecies D de l’annexe III au CGI que l’exploitant peut considérer comme immobilisations amortissables :
- Les équidés et les bovidés utilisés comme animaux de trait ou affectés exclusivement à la reproduction ;
- Les chevaux de course mis à l'entraînement ;
- Les chevaux de concours soumis à un entraînement en vue de la compétition, âgés de deux ans au moins au sens de la réglementation des courses.
D’un point de vue sanitaire, l’espèce équine bénéficie aujourd’hui d’une réglementation spécifique permettant un suivi sanitaire strict de nature à favoriser le bien-être équin et qui deviendrait caduc ou incontrôlable en cas de modification de son statut.
De plus, la notion d’animal de compagnie ne s’applique en réalité à aucune espèce spécifiquement mais à chaque animal individuellement. Ainsi, un chat revenu à l’état sauvage n’est pas un animal de compagnie au sens des textes encadrant le bien-être animal.
Une loi déterminant la finalité de compagnie pour l’ensemble des ressortissants de l’espèce équine serait une exception créant un désordre juridique au regard du droit français et international. Un tel statut reviendrait à créer une spécificité cheval le rendant « plus familier que le chien ».
Au-delà de la définition de l’animal de compagnie, le traité international du Conseil de l’Europe régissant la Convention Européenne pour la protection des animaux de compagnie prévoit un certain nombre d’articles parfaitement inadaptés à l’espèce équine.
L’article 7 intitulé Dressage prévoit par exemple les dispositions suivantes : « Aucun animal de compagnie ne doit être dressé d'une façon qui porte préjudice à sa santé et à son bien-être, notamment en le forçant à dépasser ses capacités ou sa force naturelles ou en utilisant des moyens artificiels qui provoquent des blessures ou d'inutiles douleurs, souffrances ou angoisses ».
A nouveau, si personne ne peut s’opposer aux objectifs poursuivis par cet article, sa rédaction aussi large que floue laisserait planner un risque juridique qui pourrait conduire jusqu’à la fin de toutes activités équestres :
- Interdiction des courses et compétitions sportives hippiques : « aucun animal de compagnie de doit être dressé d’une façon qui porte préjudice à sa santé et à son bien être notamment à en le forçant à dépasser ses capacités ou sa force naturelle »,
- L’interdiction de l’utilisation des chevaux dans les opérations de police pour les mêmes raisons,
- Obligation à autoriser les chevaux dans les logements locatifs (article10 de la Loi du 9 juillet 1970),
- ….
De fait un tel changement remettrait directement en cause la pérennité d’une pratique de loisir pour plus d’1 million de nos concitoyens, la destruction de 66 000 emplois et de plus de 10 000 entreprises ou associations.
En complément du statut juridique, c’est davantage la question éthique de l’hippophagie qui est mise en avant au travers de cette proposition de loi.
Dans ce cas pourquoi davantage le cheval que le chien ou le chat dont la consommation de viande reste théoriquement autorisée et même pratiquée en Polynésie Française, dans la vallée du Rhin en Allemagne ou encore en Suisse dans les cantons ruraux d’Appenzell, de Thurgovie et de Saint-Gall.
En cascade, à long terme, une telle évolution pourrait conduire des interdictions alimentaires qui n’avaient jusqu’à ce jour, hors sujets de santé publique, été que l’apanage des religions.
- Le cheval en Europe sur ordre de Grégoire VII,
- Le porc dans la religion Juive ou Musulmane,
- Le bœuf dans certaines régions d’Asie.
Enfin, un tel précédent législatif pourrait ouvrir la voie à de nombreuses restrictions alimentaires complémentaires puisque désormais parmi les espèces traditionnellement dites de rente on compte de plus en plus d’individus de ces mêmes espèces qui sont utilisés à des fins de compagnie : lapin, poules, cochons, ...
Reste alors la question de l’abattage dont l’interdiction conduirait immanquablement à l’inverse du but rechercher.
Citons ici l’exemple des Etats-Unis où l’abattage des chevaux est interdit depuis 2007, il a été constaté par le Congrès Américain* dès 2010 un recul du bien être des équidés puisque le nombre de chevaux abattus n’a pas reculé et qu’ils sont désormais transportés sur de très longues distances à cette fin au Mexique ou bien au Canada. A ce propos, le rapport de l’Observatoire de la filière suisse du cheval sur le thème « réflexions éthiques face au cheval » conclu le chapitre sur l’hippophagie de la façon suivante : « Selon les résultats de la pesée d’intérêts et la justification des contraintes, le principe de la mise à mort par abattage est justifié par la nécessité d’obtenir des denrées alimentaires d’origine animale nécessaires aux êtres humains et par le fait que, dans des conditions optimales (santé des animaux, conditions d’élevage, de détention, de transport et de mise à mort, impacts négatifs sur l’environnement réduits au strict minimum), l’euthanasie et l’abattage provoquent, jusqu’à preuve du contraire, une contrainte totale comparable ».
Ainsi, pour l’ensemble de ces motifs, le GHN, malgré le fait qu’il partage le souci du bien-être animal de M. le Député Dupont-Aignan, s’oppose formellement à ce que le statut juridique du cheval évolue de l’animal de rente vers l’animal de compagnie.
*Article Cheval Mag.com du 19 aout 2011 - "La fin de l’abattage n’a pas réduit la maltraitance"
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